Message du Président du Groupe CCBMet de l’Union Nationale des Chambres de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture du Sénégal
Je m’exprime aujourd’hui en toute responsabilité, à la fois en ma qualité de président du Groupe CCBM, acteur majeur de l’industrie nationale, et en tant que président de l’Union Nationale des Chambres de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture du Sénégal.
Tout le monde sait que j’entretiens, depuis plusieurs décennies, une relation personnelle respectueuse et sincère avec Monsieur Ousmane Sonko, sans intérêt politique ni calcul, de part et d’autre. Cette relation, fondée sur la loyauté et la considération mutuelle, demeure intacte et le restera, Incha’Allah.
Mais il est essentiel de distinguer les liens personnels des responsabilités institutionnelles. Un Premier ministre incarne une vision de l’État, engage l’avenir de la nation, et porte la voix du gouvernement. En tant qu’acteurs économiques, nous avons le devoir de contribuer au débat national avec lucidité, dans l’intérêt du pays.
C’est dans cet esprit que je m’exprime aujourd’hui : non pas pour critiquer, mais pour alerter. J’ai souhaité rappeler l’histoire, trop souvent douloureuse, de l’industrie automobile au Sénégal. Le secteur privé national ne s’oppose pas au progrès, bien au contraire. Mais il attend de la cohérence, de la crédibilité et du respect dans les partenariats que l’État initie. Nous vivons actuellement une forme d’humiliation silencieuse. Des entreprises qui, depuis des années, investissent et créent des emplois au Sénégal, voient leurs partenaires douter. Pourquoi ? Parce que des protocoles sont signés à la légère, sur la base de promesses peu crédibles, avec des structures sans ancrage réel ni capacité industrielle prouvée. Ce type de démarche fragilise notre crédibilité collective. Elle ne sert ni la souveraineté économique, ni la relance industrielle.J e reste profondément attaché à la vision 2050. Je soutiens cette ambition. Je veux sa réussite. Mais comme le dit si bien l’adage : « Qui aime bien, châtie bien. » Dire la vérité, ce n’est pas nuire. C’est construire.-
–Montage automobile au Sénégal : chronique d’un espoir trahi
Depuis les années 1960 le Sénégal caresse le rêve d’une industrie nationale. Les premières pierres furent posées avec courage, les machines se mirent en marche, l’ambition vibrait dans les ateliers… Mais au fil des décennies, ce rêve s’est effrité, victime d’incohérences politiques, d’abandons stratégiques, et d’une foi défaillante dans les forces locales.
Retour sur un demi-siècle d’espoirs contrariés
1963 : Berliet Sénégal (camions et minibus) – fermée en 1988
1975 : ISENCY (cycles CFAO – Kaolack)1976 : COSECA (Ford – Dakar)
1980 : Citroën Méhari et SEAS Mercedes2003 : Senbus Auto (bus pour AFTU – Thiès)
2006 : Seniran Auto (taxis urbains)2010 : CCBM Automobile (camions, bus, engins lourds, véhicules militaires)Chez CCBM, nous avons même livré en 2012 deux véhicules militaires à l’État, réceptionnés par le Général Sow dans nos propres ateliers. Ils roulent toujours. La preuve que le savoir-faire existe, ici même, au Sénégal.
Pourquoi ces efforts ont-ils échoué ?
1. Un marché intérieur trop restreint pour rentabiliser la production
2. Des coûts locaux écrasés par des importations subventionnées
3. Une ouverture commerciale brutale, sans aucune protection
4. Une absence de stratégie industrielle de long terme.
Aujourd’hui, l’histoire bégaie… et l’amertume grandit. Alors que les usines locales dorment ou survivent, nous voyons l’État célébrer de nouveaux partenariats étrangers — KIA, Mercedes — sans dialogue, sans mémoire. Comme si rien n’avait jamais été tenté. Comme si tout devait recommencer… sans nous.
Soyons clairs, l’État peut initier des projets, mais il n’est pas industriel. Il ne construit pas, il promet. Il ne monte pas, il distribue.—
Le paradoxe sénégalais est cruel.
Ceux qui viennent aujourd’hui ne cherchent qu’un accès au marché public. Sans ces marchés, ils repartiront. Ce sont des passagers de la commande publique. Pendant ce temps, ceux qui ont investi, formé, employé… sont écartés.—
Cette logique est une impasse. Une faute. Une menace. On ne bâtit pas une nation avec des projets à durée limitée. On ne crée pas une industrie avec des illusions importées. Et on ne développe pas un pays en ignorant ceux qui s’y enracinent.
La Chine a commencé de rien en 1964. Aujourd’hui, elle domine le monde automobile. Parce qu’elle a fait confiance à ses industriels.—
Le Sénégal doit choisir : le courage ou la répétition.
✅ Soutenir les industriels existants avant d’importer du rêve
✅ Valoriser nos usines, nos équipes, notre ingénierie
✅ Défendre les pionniers d’ici, au lieu d’applaudir les opportunistes d’ailleurs
✅ Faire de l’automobile un pilier stratégique, pas un marché de promesses. Il est encore temps.Mais il faut un cap. Un vrai. Et surtout, une volonté de faire du « produit au Sénégal » un engagement ferme, et non une simple formule.—