Il est particulièrement préoccupant qu’un éminent praticien du droit, en l’occurrence un avocat de renom, puisse affirmer sans nuance que la surfacturation n’est pas saisie par le droit sénégalais. Une telle déclaration révèle une ignorance, volontaire ou non, de l’évolution récente de l’arsenal normatif sénégalais en matière de régulation économique, en particulier en ce qui concerne la protection du consommateur (Voir : la loi n° 2021-25 du 12 avril 2021 sur les prix et la protection du consommateur, le décret n° 2022-89 du 17 janvier 2022 relatif aux régimes de prix et aux procédures de dénouement du contentieux économique et l’Arrêté n° 09852 du 24 juin 2024 portant administration des prix plafond de certains produits )
L’entrée en vigueur de la loi n°2021-25 du 12 avril 2021 relative aux prix et à la protection du consommateur vient pourtant lever toute équivoque ou quiproquo sur ce point. Ce texte novateur consacre expressément, à travers plusieurs de ses dispositions, l’encadrement juridique de pratiques commerciales abusives, parmi lesquelles figure en bonne place la surfacturation.
En effet, le législateur travers l’article 21 de ladite loi prévoit que « tout opérateur économique est tenu d’indiquer de manière claire et lisible les prix des produits ou services qu’il propose à la vente » et l’article 22 sanctionne les infractions aux règles de transparence tarifaire. Il est en outre précisé à l’article 24 que « toute dissimulation, altération ou modification frauduleuse des prix constitue une pratique commerciale trompeuse », passible de sanctions administratives et/ou pénales. Dès lors, la surfacturation, qui consiste à facturer un bien ou un service à un prix supérieur à celui légalement affiché, convenu ou autorisé, tombe indubitablement sous le coup de ces dispositions.
Cette reconnaissance normative s’inscrit dans un univers plus large de consolidation des droits du consommateur Sénégalais, dans un contexte marqué par l’essor de pratiques économiques abusives. La loi de 2021 susmentionnée dote les autorités de régulation d’outils coercitifs pour lutter contre les abus tarifaires, protéger le pouvoir d’achat des populations souffrant de telles pratiques et rétablir un équilibre contractuel entre acteurs économiques.
Prétendre, dès lors, que la surfacturation n’est pas saisie par le droit positif sénégalais revient à nier les avancées significatives du législateur dans le domaine de la gouvernance économique. Cela participe également d’un discours déresponsabilisant, voire complaisant, à l’égard de pratiques déloyales qui affectent gravement les consommateurs, notamment les plus vulnérables.
Au surplus, cette posture occulte les mécanismes de sanction, prévus tant par la loi précitée que par le Code pénal sénégalais, qui permet, par exemple de poursuivre ceux qui contreviennent aux mesures de régulation des prix édictées par l’autorité publique.
Bref, la rigueur juridique ne trouve pas son compte dans la thèse défendue par l’avocat en question et que cette thèse ne saurait être accréditée ni par le droit interne sénégalais ni par les conventions internationalement signées.
Il est donc impératif, pour tout juriste sérieux, de reconnaître que le droit sénégalais a bel et bien saisi la question de la surfacturation, tant sur le plan normatif que pratique. Toute autre position, en plus d’être erronée, affaiblit la portée des instruments de protection mis à disposition des citoyens-consommateurs et doit pousser les organisations de la société civile notamment celles consuméristes à sortir des salons feutrés pour défendre les communautés.
Ibrahima NGOM, Juriste et Citoyen sénégalais
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