CONTRIBUTION : Forfaiture législative; Pastef et le spectre de l’amnistie ( Par Dr Pape D. Faye)

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La récente initiative des députés de Pastef visant à introduire une loi interprétative à la loi d’amnistie de 2024, appelée désormais la « loi Amadou Ba », avec l’amendement Badara GADIAGA, soulève des interrogations profondes sur l’intégrité de notre processus législatif. Sous couvert de clarifier une loi déjà adoptée, cette proposition semble davantage servir des intérêts partisans que l’intérêt général. Mais, après tout, quand on a une majorité mécanique, pourquoi s’embarrasser d’un débat éclairé ?

Comme le disait Socrate, « Une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue. » Visiblement, cette maxime n’a pas atteint les bancs de l’Assemblée Nationale, où certains députés semblent préférer une vie d’auto-validation plutôt que d’examiner le bien-fondé de leurs initiatives.

Les fervents députés de Pastef, les « Pastalibés », avec leur majorité mécanique – la pire que notre Assemblée ait connue comparée aux précédentes législatures – voteront sans surprise cette loi. Leur méthode ? Adopter un air grave et important tout en cautionnant un texte qui bafoue les fondements mêmes de la justice. Heureusement, cette loi pourra être attaquée pour annulation auprès de la justice, offrant une lueur d’espoir pour ramener un semblant de rationalité.

Cette loi, scélérate et très controversée, est également susceptible de soulever des contestations et des recours auprès des juridictions nationales et internationales compétentes. Elle reflète une tentative flagrante de manipulation législative, détournant l’esprit même de la loi d’amnistie, qui visait à apaiser les tensions et à réconcilier la nation. Hegel aurait peut-être révisé sa célèbre maxime : « Ce qui est rationnel est réel ; et ce qui est réel est rationnel » pour y ajouter : « Mais parfois, l’absurde se fait voter en plein jour. »

En tant que parent d’un juge constitutionnel lâchement assassiné, dont les auteurs avaient bénéficié d’une loi d’amnistie sous le régime du Président Abdoulaye Wade, je ressens une profonde indignation face à cette nouvelle tentative de manipulation législative. Je ne souhaite pas que les familles des victimes civiles et militaires soient condamnées à ne jamais faire leur deuil. Ce serait un deuxième assassinat pour chacune des victimes mortes, une injustice sans pareil pour toutes ces personnes et ces entreprises qui ont vu leurs biens et outils de travail réduits à néant par des hordes sauvages de manifestants, entre février 2021 et février 2024.

Et maintenant, alors que l’opposition, une partie de la société civile et des mouvements citoyens – dont certains ont vu le jour récemment – appellent à manifester le 2 avril 2024 devant les grilles de l’Assemblée Nationale, une nouvelle page sombre semble se profiler. En 12 mois, aucune autorisation de marche n’a été accordée par le régime Pastef à Dakar. Leur arrogance et leur mépris pour les droits fondamentaux ne laissent guère de doute : des échauffourées sont à craindre. Prions qu’il n’y ait pas de morts supplémentaires à ajouter à la liste déjà trop longue des victimes sacrifiées sur l’autel d’une pseudo-révolution.

Pour mieux comprendre les enjeux de cette loi et ses implications, il est essentiel de rappeler les rôles distincts des députés et des juges dans notre système démocratique.

  • Le rôle des députés : Les députés (ou législateurs) votent pour adopter, modifier ou abroger des lois au sein du parlement. Leur travail consiste à créer un cadre légal basé sur les besoins et les enjeux de la société. Ils établissent les règles générales, mais ils ne jouent aucun rôle dans leur application directe.
  • Le rôle des juges : Les juges, eux, ont pour mission d’interpréter et d’appliquer la loi dans des cas spécifiques. Ils examinent les circonstances particulières de chaque affaire pour déterminer comment les règles adoptées par les législateurs doivent être mises en œuvre. Leur interprétation peut évoluer selon les contextes, les précédents judiciaires, et parfois même les principes constitutionnels.

Ces distinctions fondamentales sont au cœur de l’équilibre démocratique. Pourtant, la loi interprétative proposée par Pastef semble vouloir brouiller ces lignes, en s’arrogeant un pouvoir qui dépasse celui des législateurs.

Il est important de rappeler que l’annulation pure et simple de la loi portant amnistie du 13 mars 2024, était une promesse phare du Pastef. Mais comme toujours avec eux, promesse faite, promesse bafouée. Renier ses engagements semble être devenu leur sport national. Rousseau, dans son Contrat social, avait prévenu : « La plus forte n’est jamais assez forte pour être toujours la maîtresse, si elle ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir. » Peut-être faudrait-il lui ajouter : « Mais parfois, la force se camoufle en farce législative. »

J’espère vivement que les spécialistes du droit public sortiront de leur silence pour éclairer cette forfaiture. Leur expertise est essentielle pour mettre en lumière les dérives de cette majorité des Pastalibés à l’Assemblée Nationale, qui, le 2 avril 2024, risque de porter un coup supplémentaire à la crédibilité de nos institutions.

Il est temps que les citoyens, les juristes et les acteurs de la société civile se mobilisent pour dénoncer cette imposture. La loi n’est pas un jouet législatif au service d’un parti ou d’un groupe : elle est le socle de notre démocratie et doit rester au service de tous.

Dr Papa D. FAYE, Citoyen engagé
Courriel : papa.faye6369@gmail.com

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