CONTRIBUTION : Quand la ruche s’agite : plaidoyer pour un leadership apaisé au Sénégal (Par Dr. Papa Djibril Faye)

0
266

Dans la grande ruche sénégalaise, il fut un temps où la reine – ou le roi, selon les saisons – incarnait l’ordre, la continuité et la capacité à transformer une crise en opportunité. Les abeilles, dans leur sagesse millénaire, savent qu’en période de tumulte, il ne sert à rien de s’agiter en tous sens ni de chercher des boucs émissaires. Elles se concertent, nourrissent l’espoir, et, d’une larve ordinaire, font émerger une reine, non par la force ni par la vindicte, mais par le soin, la patience et l’intelligence collective.

Hélas, dans notre théâtre national, la scène s’est récemment transformée en une comédie de l’absurde, où les acteurs principaux semblent avoir confondu le pupitre du pouvoir avec un ring de lutte sénégalaise. Le chef du gouvernement, propulsé du fisc à la primature par la magie du suffrage universel, s’est découvert des talents de chef de troupe… mais de quelle pièce ? Les spectateurs, eux, oscillent entre l’ébahissement et la perplexité, tandis que les chroniqueurs et journalistes, jadis abeilles butineuses d’information, sont désormais menacés d’être « effacés » pour n’avoir pas applaudi à chaque réplique.

Faut-il rappeler que la grandeur d’un leader ne se mesure pas à la virulence de ses sorties, ni à la capacité à transformer l’ancien président en sac de frappe officiel de la République ? Les abeilles, elles, ne perdent pas leur temps à ressasser les querelles du passé. Leur survie dépend de leur aptitude à travailler ensemble, à intégrer la diversité, et à transformer la crise en renouveau. Ce n’est pas en multipliant les licenciements, en résiliant les contrats à tour de bras, ou en embastillant les voix discordantes que l’on bâtit une société prospère. Une ruche divisée, où chaque abeille soupçonne sa voisine de comploter, finit par s’effondrer sous le poids de la suspicion.

Certains conseillers, DG et PCA, rivalisent d’excès de zèle, se croyant dans une cour de fous du roi, oubliant que la politique n’est pas une farce permanente, mais un art subtil où la diplomatie, la mesure et l’écoute sont les véritables ingrédients du succès. La diplomatie, disait-on, n’est utile que par beau temps ? Détrompons-nous : c’est dans la tempête que le capitaine révèle sa valeur, non en hurlant sur le pont, mais en rassurant l’équipage et en traçant la voie.

Le Sénégal n’a pas besoin d’un chef de guerre permanent, mais d’un chef d’orchestre capable d’accorder les instruments dissonants, de réconcilier les familles, de renouer le dialogue avec ceux qui, hier encore, tenaient la barre. Les hommes d’État se reconnaissent à leur capacité à dépasser la mêlée, à tendre la main même à leurs adversaires d’hier, à préférer la construction patiente à la destruction spectaculaire.

Cher Premier ministre, le peuple sénégalais vous a offert, avec le président Bassirou Diomaye Faye, un mandat précieux. Ce n’est pas pour que vous transformiez la République en théâtre d’ombres et de querelles, mais pour que vous incarniez ce leadership apaisé, exigeant et rassembleur dont notre pays a tant besoin. L’histoire jugera moins vos uppercuts verbaux que votre capacité à bâtir, à écouter, à réformer sans humilier, à gouverner sans diviser.

Les véritables leaders, comme les reines abeilles, sont façonnés par le soin collectif, la patience et la capacité à faire éclore le meilleur chez les autres. Ils savent que la force brute ne remplace jamais la légitimité acquise par le dialogue, la justice et la vision partagée.

Alors, laissons les querelles de basse-cour aux poules et les envolées belliqueuses aux coqs de village. Le Sénégal mérite une ruche apaisée, où chaque abeille, du plus modeste ouvrier au chef de l’essaim, trouve sa place et contribue à la prospérité commune. Il est temps de troquer le costume de gladiateur contre celui de bâtisseur, de substituer la satire à la rancœur, et de préférer la diplomatie à la diatribe.

Car, au bout du compte, l’avenir du Sénégal ne se joue pas dans le vacarme des clashs, mais dans la capacité de ses leaders à écouter, à unir et à transformer la crise en renaissance collective. Voilà le vrai secret des abeilles… et des grandes nations.

Dr. Papa Djibril Faye

Entomologiste et citoyen engagé**Courriel : papa.faye6369@gmail.com*

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici