CONTRIBUTION : Pastef; Les Virtuoses d’un Chaos Organisé (Par Dr Pape D. Faye)

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Depuis mon enfance, le Sénégal représentait pour moi un symbole d’espoir, un phare de dignité et de résilience. Notre histoire, forgée dans les luttes pour l’indépendance et les batailles pour la liberté, portait en elle les promesses d’un avenir harmonieux et prospère. Nous sommes un peuple qui a su surmonter les défis les plus rudes, un peuple nourri par les valeurs d’unité, d’humanité et de justice, héritées de grands penseurs comme Léopold Sédar Senghor et Cheikh Anta Diop. Mais aujourd’hui, cet héritage semble piétiné. Le Sénégal, jadis modèle d’équilibre et de dialogue, sombre désormais dans une division orchestrée et un chaos méthodiquement entretenu par ceux qui, autrefois, se présentaient comme les porteurs de la bannière du renouveau. Pastef, ce parti qui avait enflammé les cœurs par ses promesses de réformes et sa quête affichée de justice sociale, semble s’être transformé en artisan de la confusion et de la désillusion.

Entre Promesses et Réalités : Un Bilan qui Divise et Déçoit

Le bilan de l’an 1 présenté par Pastef n’est qu’une façade trompeuse, masquant des pratiques discutables et un manque flagrant de résultats concrets. Se comparer à des régimes autoritaires tels que ceux de Singapour ou de Dubaï pour justifier une vision soi-disant ambitieuse trahit une déconnexion totale avec les aspirations démocratiques et inclusives du peuple sénégalais. Les « progrès » clamés ne sont que des promesses recyclées, vidées de substance, tandis que le quotidien des citoyens demeure marqué par la précarité, l’instabilité et une gouvernance chaotique. Les références pompeuses et les envolées rhétoriques ne suffisent pas à cacher les échecs criants d’un leadership autoproclamé éclairé. Ce bilan n’est qu’un écran de fumée.

Un Sénégal pris en otage par un narratif obsolète

Pastef ne cesse de ressasser un discours récurrent : celui d’un Sénégal supposément détruit par un ancien régime décrit comme le mal incarné. Chaque jour, les médias s’inondent d’accusations sans fondement, prétendant que des milliards se seraient volatilisés dans les poches de dignitaires passés. Mais où sont les preuves ? Si vraiment des milliards ont disparu, ne serait-il pas temps de ressusciter et mobiliser Sherlock Holmes ou, mieux encore, une « brigade anti-voleurs de la République » pour résoudre ce mystère ? Ou alors, Pastef devrait-il admettre que son seul « plan » consiste à nourrir un passé fictif pour mieux éclipser ses propres lacunes ? Comme le disait ma grand-mère avec sagesse : un mensonge bien maquillé finit toujours par trébucher sur la vérité.

Un naufrage économique inquiétant

Alors que Pastef s’efforce de redéfinir les contours de l’économie nationale, le peuple sénégalais se retrouve confronté à des défis persistants. En 2024, les recettes fiscales ont chuté de près de 40 %, une baisse drastique qui appauvrit les foyers, étrangle les entreprises et freine l’activité commerciale dans tout le pays. L’une des initiatives majeures de ce gouvernement est le fameux rebasing économique, une approche qui, selon le consultant Hamidou Anne, consiste à « rebâtir une nouvelle économie en prenant en compte des secteurs stratégiques émergents, comme le numérique et le commerce en ligne, tout en supprimant certains secteurs jugés non productifs ». Présentée comme une réforme ambitieuse, cette opération permettra une mise à jour du Produit Intérieur Brut (PIB), avec une augmentation annoncée de 30 %. Ainsi, le PIB actuel, estimé à 18 000 milliards de francs CFA, pourrait atteindre 24 000 milliards de francs CFA. Cependant, cette augmentation spectaculaire des chiffres masque une réalité plus complexe. Certes, mettre en lumière des secteurs comme le numérique et le commerce en ligne est une décision stratégique, mais qu’en est-il de l’impact sur l’économie réelle ? Hamidou Anne souligne également que cette réforme, amorcée en 2023 sous Macky Sall, vise à réduire la dette, actuellement évaluée à plus de 99 % du PIB, pour l’amener à environ 70 %. Ces objectifs ambitieux suscitent néanmoins des interrogations : ce rebasing est-il suffisant pour répondre aux besoins urgents de la population, ou s’agit-il simplement d’un exercice d’équilibrisme économique ? Il convient également de rappeler que cette pratique n’est pas nouvelle. Comme le souligne M. Anne, le Sénégal avait déjà entamé un exercice de *rebasing* en 2018, avec 2014 comme année de référence, entraînant une hausse similaire du PIB de près de 30 %. Ces efforts, bien qu’en ligne avec les recommandations des Nations Unies, semblent davantage répondre à des objectifs comptables qu’à un projet global de transformation socio-économique. Cheikh Anta Diop nous avait avertis : « La dignité d’une nation se mesure à sa capacité à répondre aux besoins fondamentaux de son peuple. » Or, aujourd’hui, la dignité semble s’effacer derrière des chiffres flatteurs, laissant la population faire face aux mêmes défis structurels qu’auparavant.

Un Sénégal fracturé et divisé

Dans un passé pas si lointain, le Sénégal brillait comme un modèle de cohésion nationale. Les désaccords existaient, certes, mais ils nourrissaient un dialogue fécond. Aujourd’hui, ce dialogue a laissé place à une cacophonie d’invectives et de rivalités. Ce gouvernement a su transformer un désaccord politique en poison social, gangrenant les familles, les lieux de travail, les marchés, et même les esprits. Comme le disait Birago Diop, « Les morts ne sont pas morts » – nos ancêtres nous observent, et peut-être pleurent-ils de voir ce que leur héritage devient : un peuple divisé, abandonné à ses frustrations.

L’indignation des anciens compagnons

Le désenchantement ne se limite pas au peuple sénégalais. Même parmi les anciens compagnons de Pastef, la désillusion est palpable. Des figures comme Abdou Karim Gueye, Ababacar Mboup – qui avait porté la criminalisation de l’homosexualité avec Sam Djiko Yi –, ou encore Mollah Morgun, l’activiste turbulent et critique acerbe de Pastef, ont exprimé leur déception face aux reniements du parti. Ces anciens alliés dénoncent la manipulation de la justice, les menaces sur les libertés fondamentales et les dérives autoritaires. Même Guy Marius Sagna, député de Pastef, n’hésite pas à critiquer modérément les reniements de son propre camp. Cette fracture interne reflète un malaise profond, où les promesses de renouveau se heurtent à une réalité marquée par des pratiques contestables et des ambitions déçues.

Liberté de presse : une mise au silence inquiétante

La presse, cet ultime rempart contre l’autoritarisme, n’est pas épargnée. Sous le régime des pastalibés, plusieurs chaînes de télévision ont récemment vu leur signal suspendu, en violation flagrante de la prérogative exclusive du CNRA, seul organe habilité à prendre une telle mesure, selon le code de la presse. Et comme si cela ne suffisait pas, aucune notification administrative n’a été envoyée aux concernés. Ce mépris flagrant des procédures révèle une tendance inquiétante : un gouvernement qui jongle maladroitement entre ignorance et arrogance. Peut-on en être surpris ? Lorsque des novices sans expérience sont propulsés à des postes clés, la dérive devient la norme. Sous un régime précédent, que certains qualifient aujourd’hui de celui des « voleurs », le Sénégal avait tout de même lancé un nanosatellite – une avancée technologique impressionnante. Pourtant, étrange coïncidence, aucune photo haute définition de ce joyau spatial n’a jamais été publiée, laissant le peuple se demander : ce satellite orbite-t-il vraiment, ou est-il un mythe moderne ?

« MOS DEM » : le cri de ralliement du peuple

Et pourtant, au milieu de ce chaos, une lueur d’espoir brille : MOS DEM. Ce mouvement, né de la frustration et de l’épuisement, incarne l’appel d’un peuple lassé des promesses non tenues. Pourquoi persister avec des stagiaires politiques ? Pourquoi laisser des improvisateurs jouer avec les destinées d’un pays ? MOS DEM n’est pas un simple slogan ; c’est une déclaration d’amour pour le Sénégal, un cri du cœur pour un avenir où la dignité et la résilience des Sénégalais triomphent de l’incompétence. Et surtout, un appel à dire : pourquoi ne pas enfin confier notre destin à des hommes d’État ? Nous sommes ce peuple qui a arraché des triomphes au bord du gouffre, ce peuple qui refuse de courber l’échine. Aujourd’hui, l’heure est venue de se relever. Pas pour condamner ou blâmer, mais pour bâtir un nouvel avenir : un avenir fondé sur la vérité, la justice et la solidarité. Que Dieu bénisse le Sénégal.

Dr Papa D. FAYE, Citoyen engagé

Courriel : papa.faye6369@gmail.com

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