Pour accompagner les acteurs du monde rural et faire face aux
défis de la sécurité alimentaire, dans le cadre de la Stratégie Nationale de
Développement Économique, les nouvelles autorités ont prévu un budget global de
1 070 milliards Fcfa au profit du
secteur primaire (production agricole, élevage, pêche). Conformément aux nouveaux défis de l’actuel gouvernement,
en adéquation avec les différents axes du référentiel Horizon 2050, ce budget
va fortement soutenir les différents maillons des chaînes de valeur agricoles.
L’accent sera mis particulièrement sur la mécanisation agricole, le
développement de l’agro-industrie pour diminuer les pertes post-récoltes et la
modernisation des infrastructures d’irrigation en vue de booster la
productivité agricole. A travers cette approche, l’État du Sénégal confirme sa
volonté manifeste d’atteindre l’autosuffisance alimentaire grâce à une
agriculture intensifiée, la maîtrise de l’eau et la vulgarisation des bonnes
pratiques agricoles.
De nos jours, le financement constitue un véritable
casse-tête pour les acteurs des chaînes de valeur agricoles et
agroalimentaires. Le secteur agricole, majoritairement composé d’exploitations
de type familial, occupe seulement 3 à 5% des encours globaux de crédit
enregistrés dans le financement de l’économie en général. La disponibilité
insuffisante ou l’absence des ressources financières, combinée aux échecs de
nos politiques de crédit dans le secteur de l’agriculture, impacte négativement
sur les performances du secteur et par ricochet sur notre économie.
A cela s’ajoutent la faiblesse de la productivité agricole
due aux menaces climatiques, l’instabilité de la pluviométrie, le manque de
structuration des chaînes de valeur agricoles et agroalimentaires dans
certaines zones agroécologiques, l’absence de modèles de financement intégrés,
l’absence de garantie, l’absence de stratégie de mitigation des risques
inhérents à l’agriculture, etc. Malgré l’existence de certains instruments de
garantie tels que le FONSIS et le FONGIP et d’autres mécanismes mis en place par
l’Etat et le secteur privé sous forme de fonds de garantie, le déficit des
crédits bancaires dans le secteur demeure une préoccupation pour les acteurs.
Parallèlement, la COVID-19 et ses corollaires ont impacté
négativement sur la qualité du portefeuille des institutions financières qui
ont comme cible le monde rural. A date, plusieurs petits producteurs
(agriculture familiale) à la base enregistrent une ardoise d’impayés dans
certaines institutions financières de la place et occasionnent une rupture de
relation et/ou un déclenchement de processus de recouvrement aux contentieux
conformément aux principes qui réglementent l’activité bancaire.
Fort de tous ces constats, pour relancer le secteur de
l’agriculture, l’Etat devra impérativement trouver avec les parties prenantes
des moyens pour renforcer les mécanismes de financement des banques
parapubliques et trouver une solution aux impayés comptabilisés par les
producteurs grâce à l’impact de la COVID-19 et de la baisse de la productivité
agricole due aux menaces climatiques. A cela s’ajoute aussi son obligation,
après mise en place des programmes de distribution des intrants, de régler sans
délai les montants dus aux opérateurs privés stockeurs afin de préparer la
prochaine campagne de l’hivernage. La célérité dans le traitement des factures
dues au profit des centaines d’opérateurs privés stockeurs permettra de
financer d’autres secteurs de l’économie comme le commerce et le transport.
Sous ce rapport et dans une perspective d’amélioration de
l’efficacité des filières agricoles et agroalimentaires, il devient nécessaire
et urgent de revoir le système de la politique de financement de l’agriculture
dans notre pays. Ledit système devra être corrélé avec les objectifs de
production agricole et agroalimentaire tout en intégrant la contribution du
secteur privé.
Si nous nous référons aux axes stratégiques du référentiel et
de la Stratégie nationale de développement économique (SNDE), force est de
constater que les autorités se sont à nouveau engagées à faire du développement
de l’agriculture et de l’agro-industrie une priorité. La finalité de cet
objectif est d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et de mettre fin à la
dépendance du pays aux importations, notamment en riz et à certains produits
horticoles pendant une certaine période de l’année. Parallèlement, certaines
industries comme la SONACOS, les agroindustriels dans les chaînes de valeur riz
et arachide en particulier, la SODEFITEX, etc. ne parviennent plus à atteindre
leurs besoins en collecte et de relèvement du niveau de leur plateau technique.
Toutes ces faiblesses expliquent l’absence de performances dans le secteur
agricole et par ricochet des difficultés pour assurer un retour sur
investissement par les entrepreneurs agricoles et les institutions de
financement.
Pour atteindre la souveraineté alimentaire et contribuer à
résoudre la problématique de l’emploi des jeunes à travers le secteur primaire,
l’État du Sénégal, à défaut de procéder à des réformes qui les
regrouperont en un seul instrument fort
et performant, doit impérativement promouvoir la mise en valeur du potentiel
agricole en appuyant les institutions financières comme La Banque agricole
(LBA), la Banque nationale de développement agricole (BNDE), la DER-FJ et les
autres instruments de financement. En sus, l’implication du secteur privé local
dans le financement de l’agriculture, à travers des partenariats publics privés
(PPP), devra être facilitée par les nouvelles autorités. Le développement de
partenariats publics privés, grâce à la facilitation de l’État, permettra, in
fine, la mise en place de mécanismes de financement innovant et sécurisant, à
travers la mise en place de fonds de garantie, de lignes de crédit à des taux
concessionnels et de durée de longue maturité pour l’acquisition d’infrastructures
et d’équipement agricoles. En d’autres termes, la mise en place d’un écosystème
de financement favorable, à travers une approche chaîne de valeur, sera une
excellente opportunité pour minimiser les risques et inciter les institutions
de financement à injecter leurs ressources et d’assurer un retour sur
investissement. Il s’agira d’encourager et de développer des mécanismes comme
la tierce détention, le système de récépissé d’entrepôt, l’affacturage etc. Des
sucessstories existent mais malheureusement lesdits mécanismes ne sont pas
pérennes dans certaines zones agroécologiques à cause de certains goulots
d’étranglement comme la faiblesse relative à l’organisation des faîtières à la
base, la rareté de certains produits pendant une certaine période de l’année,
manque d’infrastructures de stockage etc.
Cet accompagnement devra aboutir à la mise en place d’offres
spécifiques de crédits à l’investissement pour accompagner le développement
d’une agriculture plus performante sur les plans agronomique, économique,
écologique, commercial et plus résiliente face aux aléas, notamment
climatiques. En sus, pour minimiser les risques intrinsèques à l’activité
agricole et faire face aux éventuels sinistres (inondations, ravageurs, oiseaux
granivores, vagues de chaleur et autres), la Compagnie nationale d’assurance agricole
(CNAAS) doit être accompagnée dans l’élaboration de produits d’assurance
taillés sur mesure afin de rendre notre agriculture résiliente et d’inciter les
institutions de financement à injecter leurs ressources dans le secteur.
Si nous faisons un diagnostic du financement de
l’agriculture, nous comprendrons que les crédits de court terme, au profit des
acteurs des chaînes de valeur, ont montré leurs limites et pas performants face
aux nombreux aléas dont le secteur fait face. En d’autres termes, toutes
organisations de producteurs et d’entrepreneurs agricoles qui ratent une
campagne agricole a moins de chance pour cheminer avec les institutions
financières ; certes des mécanismes existent, mais pas performants, sans
impacts et non pérennes.
A date, quel est le niveau d’endettement des producteurs et
des autres acteurs du secteur agricole ? Quel est leur niveau d’impayés dans les
portefeuilles des institutions financières locales ? Quelle stratégie
pour une reprise de relation entre certains agri-entrepreneurs et les
institutions financières de la place ? Quel mécanisme innovant pour
toucher tous les acteurs des chaînes de valeur ? Quels mécanismes pour
booster les ressources stables des institutions financières de la place ?
En amont du financement, pour assurer un retour sur investissement, quelle
stratégie pour rentabiliser la production agricole ? Quelles
stratégies pour permettre pour appuyer les institutions de financement à
accéder aux fonds verts climat ? Voilà tant d’interrogations qui
méritent une réponse si nous envisageons de faciliter l’accès au crédit par les
producteurs et de développer les chaînes de valeur agricoles.
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M. Djibril BA
Ingénieur Agroéconomiste
Ingénieur Financier
MBA en Finance et Management
Ancien Cadre de Banque
Doctorant en sciences économiques et
Gestion
Président du mouvement PROGRÈS, allié
du PASTEF
E-mail : daoudarassoul1@yahoo.fr